Nous avons dormi entièrement habillé anxieux, d'un sommeil réticent et haché. Le téléphone, une fois encore sonne dans le couloir. Un peu vaseux (brumeux), nous entendons toquer à la porte. C'est l'heure ! On saute du lit, enfilons nos affaires, endossons nos sacs et descendons les escaliers de la guesthouse presque en silence. Touga, qui nous a réveillé nous attend à la cuisine préparant un thé à la hâte. Surpris, car pressés, nous nous asseyons et engloutissons le jus brûlant et quelques bouchées de pain. Avant de franchir la porte, la maîtresse des lieux nous embrasse avec tendresse et maternité. Ici, en Mongolie, ce n'est pas courant. Dehors il fait noir, profondément noir, seul au loin à la station essence rouge, brillent les feux d'un bus qui attend. Le froid saisissant nous fouette le visage et active nos foulées pressées. Malgré une lampe frontale, soucieux de ne pas faire attendre notre véhicule et surtout inquiets de le voir partir sans nous, nous trébuchons et piétinons sur ce grand terrain vague cahoteux et humide qu'est la route. Il est plein, humide et dégage une forte odeur de mouton mais c'est le bon bus. L'allée centrale est bien encombrée, avec nos gros sacs, maladroits nous nous enfonçons difficilement jusqu'aux seules places libres à l'arrière. Essoufflés, fatigués et rouges de chaleur, nous sommes heureux de trouver ces places dans ce bus, qui nous emmène directement là où nous le voulons, à 850 km. Chahutés par le mouvement du bus, nous cherchons péniblement le sommeil, les fauteuils deviennent confortables avec le temps, le corps se fatigue et s’assouplit. Au petit matin, nous faisons une halte dans un petit village en bordure de montagne rocheuse. Un second bus de 50 places est aussi à l'arrêt. Les voyageurs endormis sortent s'étirent, baillent et vont se soulager un peu plus loin dans la plaine. Deux petites cantines sont ouvertes et servent des cafés instantanés accompagnés de modestes assiettes de mouton bouilli garnie de riz.Le ketchup fera office de sauce comme partout dans le pays. Un fois les plats vides, le bus démarre et reprend la route qui alterne entre terre battue, taule ondulée, et terrain de cross. Le paysage est plat, une steppe sèche et aride, mais tachetée de buissons rases bourgeonnant de vert. L'horizon est ciselé de montagnes escarpées qui dépassent pour la plus part les 3000m. Pour accompagné ces images désertiques, une télé passe en boucle des clips de musiques traditionnelles contemporaines à un volume bien trop fort. La forte chaleur du soleil à dissipée l'épaisse buée qui perlait sur les vitres et assomme doucement les occupants du véhicule. Sur ces grandes esplanades de sable et de terre sèche, les bus font la course chassant et croisant sur les chemins tracés au sol. Ça secoue doucement, nous comatons, alternant entre sommeil et rêverie-éveillée. Soudain, le bus se stoppe à hauteur d'une yourte qui dans cette plaine gigantesque paraît comme perdue, ou abandonnée. Le chauffeur cours presque à l’intérieur et ressort un sac plastique abondamment chargé. Le second bus nous ayant dépassé, la course reprend. Passant d'une rangée à l'autre, évitant les vitres en PVC ou les cartons qui encombrent l'allée, le sac plastique arrive jusqu'à nous. Il est plein de viande rouge cuite, qui paraît délicieuse. Nous nous laissons tenter invités par les passagers voisins. Décortiquant des petits os d'une chaire parfumée, bonne et tendue, nous nous interrogeons sur l'animal que nous dégustons avec plaisir. C'est de la marmotte, une viande braconnée, interdite à la chasse depuis plusieurs années dans le pays. Nous nous léchons les doigts gras de cette belle découverte culinaire. Plusieurs dizaines de kilomètres plus loin, tout le monde est invité à descendre, pourtant les parages affichent toujours cette allure désertique. Cependant, lorsque le bus fait rugir sont moteur et s’élance avec vivacité dans quelques dunes de sables et patine, nous comprenons l’intérêt de délester le véhicule sur ce tronçon. Le voyage reprend plus loin avec cette musique assourdissante, que nous avons demandé à baisser, et le ronronnement du moteur. Nous collectons quelques heures de sommeil secouées. À notre réveil, le paysage reste inchangé. Une route, visiblement en construction se dessine subrepticement le long de notre trajet. Le chauffeur, un paquet sur l'épaule descend du bus et rejoint un village éphémère vide attenant au chantier. Une poignée de véhicule du BTP un peu hors d'äge, quelques yourtes et un contingent de containers. Le temps que le chauffeur fasse ça livraison, les passagers s’alignent dans la plaine, les hommes debouts, les femmes assises sur leurs chevilles les fesses à l'abri d'un sweet noué sur les hanches ou d'un dell.
Chacun fait ces besoins. Les mêmes clips à la TV et cahots du bus nous bercent quelques heures de plus. Le soleil s'incline doucement à l'horizon et nous débouchons sur une route en bitume, alors le bus se réveille. On nous fait comprendre que nous devrions arriver d'ici 1 à 2 heures. Sur notre gauche, lorsque le soleil joue à cache cache avec les sommets, se présente un gigantesque lac plat et brillant. La ville commence par quelques yourtes et s’intensifie avec des usines et réservoirs d'essences. Les coups de fils se font nombreux. Des bâtiments font leurs apparitions et l'urbanisation se concentre légèrement. Le bus se stoppe dans une station essence, des voitures attendent. Nous descendons nos affaires chargés sur les épaules, un peu perdu, tentant de comprendre le sens de notre carte pour trouver les hôtels du guide, il est 21h. Nous avons gagné une heure en entrant du coté ouest de la Mongolie, l'aimag (région) de UVS présent une heure de moins. La jeune fille occupant avec son frère les fauteuils de devant nous, nous invite dans une voiture déjà pleine. Chacun se tasse, les sacs s’empilent et on nous dépose devant un hôtel quelques kilomètres plus loin. A la réception, une petite femme en jogging nous accueille avec quelques fébriles mots d'anglais. Les tarifs nous conviennent, la chambre grande paraît en bon état, et grand luxe, il y a une salle de bain-toilettes attenante. On nous envoi à la hâte au restaurant, où nous rencontrons Ali et Dovile, deux charmants voyageurs. Nous mangeons après une commande hasardeuse, une bonne salade en papotant bons tuyaux, équipements bivouac, voyages, cultures et mouton. Les lits sont doux et les matelas incroyablement moelleux pour un pays de nomade. Nous nous endormons rapidement pour un merveilleux sommeil.