Un voyage en bus, c'est des sièges peu confortables, des odeurs corporelles parfois dérangeantes, un chauffeur bougon, des arrêts sur des aires d'autoroutes quelque peu glauques, des toilettes difficilement fréquentables, des voyageurs somnolents, des routes chaotiques, des heures longues à passer... mais pas seulement car c'est aussi des rencontres qui vous conduises vers des lieux et des moments incongrus voir surréalistes. La première chronique de notre rencontre improbable.
Valérie, une femme, petite, affable, ronde avec des dreadlocks pleins la tête et une allure de punk, les doigts et les dents jaunies par le tabac. Rencontrée vendredi durant un trajet en bus de Kaunas (Lituanie) à Riga (Lettonie). Elle vit en Angleterre et fait depuis 5 ans des allers-retours à Riga, pour suivre un enseignement d'un 'ordre' musulman souffi pour nous encore inconnu. Ainsi, curieux et surpris, le lendemain nous nous retrouvons dans un Tekke (temple), en banlieue de Riga, pour assister à une messe de derviche tourneur ! C'était étonnant à vivre et intéressant de découvrir la spiritualité souffie mêlée aux mœurs d'origines turques. Les hommes sont en rond, à genoux face au Sheik (maître spirituel) et aux musiciens, les femmes forment un second cercle à l'extérieur. La musique démarre, dans des mélodies arabiques délicatement jouées sur un sitar suivi par un trio de percussions, l'assemblée entonne et reprend un chant répétitif et entraînant, une femme puis un homme prennent place au centre du cercle et tournent tournent et tournent encore, une main en l'air, vers le ciel, pour recueillir les savoirs et les dons de 'dieu' et une main tournée vers le sol pour semer et distribuer. Les chants (prières), comme les danseurs au centre, se succèdent tantôt vifs et cadencés tantôt doux et lancinants. Et le calme revient accompagné du silence au bout de 40 minutes environs. Tout le monde se retrouve ensuite prêt du samovar pour boire un thé chaud, la cérémonie est terminée, certains font un peu de ménage, d'autres discutent dehors, Valérie nous invite à faire un sauna chez une amie.
Deux heures plus tard après quelques courses, chez Mario et Ines, Maxime fait du feu pour fumer les carpes et prépare à manger avec ces messieurs tandis que Sophie se déshabille pour entrer dans le sauna avec les autres femmes présentes. L'ambiance est simple, la barrière de la langue est mince. A l’extérieur dans leur jardin, proche d'une forêt d'automne devant le cabanon du sauna, la soirée suit l'après midi. Le soleil disparaît doucement au milieu des arbres sans feuille, la température diminue, la nature s’apaise, c'est calme. La table s’empile encore et encore de mets et de boissons. Après les quelques allers-retours des femmes du sauna au jardin, c'est au tour des hommes de se plonger dans la chaleur humide de cette pratique folklorique. Dans le sauna la température est élevée, on s’asperge d'eau et sue au possible. On y reste 10, 15 minutes et on sort prendre l'air (frais) pour se remettre à température. Au troisième passage, c'est le temps des soins, allongés, les uns après les autres, on se masse, citron pour les hommes et gommage de sel suivi de miel pour les femmes, on se fouette avec des rameaux de bouleaux séchés humides, on se rince entre inconnu (enfin pour nous deux). Dehors, c'est le grand buffet, bières locales, pains grillés à l'ail, champignons lettons à l'ukrainienne, fromages aux herbes, salade de concombres, fruits, cornichons marinés maison, beurres aillés, carpes chaudes tout juste sorties du fumoir ajoutons à cela quelques desserts chocolatés. C'est un régal, tout se déguste avec les doigts. Une fois le froid venu, quelques invités nous ayant laissés, en comité restreint, nous rentrons à l'intérieur , au chaud d'un ancien poil en faïence, nous écoutons et partageons de la musique d'ici et de chez nous. Les bières s’enchaînent et la bonne humeur nous fait oublier l'heure.
En taxi, appelé et négocié par nos hôtes, nous rentrons étonnés, ravis et envoûtés par la chaleur et l’humanité de l'accueil de ces Lettons. Une journée pleine de gaîté et de découvertes.
Merci à Valérie, rencontrée la veille dans le bus.